Feuilletons "Vivent les vacances", la nouvelle de Pascal Nyiri, illustrée par l’artiste et poète. La nouvelle sera présentée en 3 parties, introduites chacune par un de ses dessins.
1e partie
Illustration et texte, concis de densité rythmée, bondissants, balancés, gambadés, slamés de tendresse à coup de poing du cœur, respirés de vigilante bonté, aimantés et qui font aimer cette sacrée vie. Le trait clairvoyant du feutre va droit au primordial de la jungle du cerveau... (tout dessin au feutre sur papier Canson 180g)
Une semaine de huit jours avec Elia, huit promenades dans les garrigues, sept promenades à Fon Colombe, une heure de piscine, huit déjeuners à la table de bois prévue dans le petit parc de Proby. Pas mal de quart d'heures en voiture. Quelques beaux sourires, un regard direct à peu prêt tout le temps. Quelques chansons que j'ai en mémoire, à capela sous l'ombre bienfaitrice des pins rescapés d'un incendie ancien mais visiblement dévastateur. Ces arbres ne sont pas morts, mais seuls les derniers mètres sont fournis d'aiguilles et de pommes. Le sous bois monte parfois haut. Il y a là, ce sont les collines de Grabels, trois chemins possibles, qui font une boucle de cinq ou six kilomètres. Les jours de très grande forme, nous faisions une pointe vers un sommet qu'habite une sorte de Fortin abandonné. Nous sommes montés jusqu'à lui deux fois, mais depuis pas mal de temps, nous abandonnons au tiers et faisons demi-tour. Le but n'est pas d'aboutir forcément quelque part. Le but est de marcher et courir sur un chemin que nous connaissons bien, avec les moments où je dois tenir Elia par la main. Les moments un peu dangereux comme la présence de barbelés. Anticiper. Voilà la technique de promenade.
2e partie
L’âme de Pascal et d’Elia sortent de la cité, main dans la main, s’échappent, architecturées d’autonomie en symbiose, de la ville livresque livrée aux discours et à la construction perpétuelle, sous tension d’un tonitruant soleil chant de coq, pour rejoindre les espaces silencieux de papillons enivrés.
Je disais trois chemins possibles ; c'est Elia qui marche donc devant qui choisit de descendre à gauche, d'aller droit, ou de descendre sur la droite. Loin d'être sportifs, nous profitons de l'absence quasi totale de l'objet humain, pour moi chanter et jouer de la flûte et pour Elia de tracer des symboles sur le tableau naturel qu'offre la terre nue. Terre noire, humide, ou blonde, ou rousse, avec fourmis, avec petites pierres, terre plane ou en pente. Comme des curiosités, en macro-paysage. Elia aime les spirales, les triangles, et les angles courbes, le profond et le superficiel. Comme tentant d'utiliser l'objet Planète Terre au moins. Comme tente-t-il d'utiliser l'objet être humain au moins. Dans notre architecture trop d'humain, et ce n'est pas prêt de changer. Enfin, tant qu'on peut se balader dans les petites collines, la catastrophe sociale n'est pas définitive. Attention de bien éteindre ses cigarettes. Et surtout restons du côté d'Elia. Tout se passe comme si c'est toujours Elia qui a raison. Mais j'avance que moi aussi j'ai raison. Et je relève Elia avec force et douceur pour qu'on puisse avancer. Parfois trois quatre levées d'affilées, puis il part en courant, les bras un peu comme des ailes. Il m'attend, la main vers la mienne. J'aime lui soliloquer quelques faits de sociétés, actuels, personnels, idéaux, bizarres, méconnus. L'émission de Radio Elia, une annexe à l'éko des garrigues où je suis aussi animateur. Elia aime les plantes, et particulièrement le houx et les buis. Il fait la récolte des glands trouvés à notre hauteur. Puis ne sait plus quoi faire avec, et moi non plus. Alors nous passons le pas.
3e partie
Toute analyse devient caduque, à force, devant la puissance de l'évocation
Vous le savez, Elia n'aime pas les mots, mais aime parler le langage du moteur de la voiture, BleBleleleBle. Son cri d'aigle est parfait. Et quand-t-il juge que ma conduite est trop souple il secoue le siège passager. Il y a quelque chose qu'Elia fait parfaitement, c'est s'asseoir sur la banquette arrière pour qu'on bloque la ceinture. Et puis il est très sage. D'ailleurs quand nous faisons le pique-nique il mange tranquillement ce que nous avons été chasser au Drive du fast-food de Trifontaine. N'imaginons pas qu'Elia trouve cohérentes : frontières et capitalisation. A la piscine, il me dirige vers l'accès de secours qui donne sur la rue. Nous étions à la piscine un samedi matin, et il n'y avait pas de queue au toboggan. Dans le cas contraire : s'adresser au maître-nageur et doubler. Dès qu'Elia montre qu'il en a marre, c'est à dire après une heure de baignade, nous montons dans la clio pour aller acheter la viande, et la salade. Et puis, pour finir ce texte : Fon Colombe. Il y a deux parcs mitoyens, et le matin il n'y a presque personne, ou bien des petits qui jouent sur les structures. On peut également marcher dans les rues semi-piétonnes du lotissement et rejoindre une entrée de l'un des deux parcs. Elia aime découvrir les nouveaux chemins possibles. Pour cela, il s'échappe, et il faut courir pour le rattraper. Mais après, il faut lui faire confiance et se laisser guider. Un peu comme on compose en musique, à la recherche d'idées nouvelles. Avec Nel et Françoise, hier dimanche, revenus de la dernière course dans les garrigues, nous parlions des instruments de musique les mieux adaptés au handicap d'Elia. Je pense à la Sanza (le piano à pouce). Il faudrait trouver un protocole. Un cours de musique à l'école. La présence d'autres enfants. Encore un autre passage secret à découvrir.
Voilà, j'ai trouvé cette semaine formidable. Elia que je connais depuis assez longtemps fait de grands progrès. J'ai sans doute donné beaucoup, mais ce que je reçois est extraordinaire.
de huit journées d'animation auprès d'Elia, un pré-ado-autiste, enfant d'une famille formidable. n'hésitez pas à me répondre pour me donner un avis. bien à tous. pascal nyiri.
pour contacter Pascal Nyiri lui écrire à partir de son émission de poésie sur la radio "L'eko des garrigues"
Rimbaldies on tape
Accueil