08 août 2010

infidélité, texte de Françoise Renaud




 



Alors, c'était bien ?

Le grincement de la porte l’a trahie quand elle est entrée. Il était là, mains enfoncées dans les poches, hostile. Il la guettait.

- Oh, un peu classique pour moi !

- Et Annie, elle a aimé ?

- En fait elle n’est pas venue, son petit malade, tu comprends…

Elle s’avance vers le divan pour y déposer son sac, puis range sa carte d’abonnement au théâtre. Quand elle se retourne, elle voit qu’il la regarde avec insistance – ne trouve rien d’autre à faire.

- Mais qu’est-ce que tu as ?

Quand elle passe à sa portée, il lance le bras jusqu’au mur pour la gêner.

Autour d’eux, la ville s’est agrandie, organisée, rampante. Les lampes projettent leurs cercles blancs sur le sol de la pièce en désordre comme dans les endroits de perdition.

Elle reste un instant immobile, le défie.

- S’il-te plaît, laisse-moi passer, je suis fatiguée.

Dans son dernier mouvement, il a penché le buste vers elle et il a senti son odeur, respiré ses cheveux. De son côté, elle a vu son visage tout proche, un visage qu’elle ne reconnaît pas. Quelque chose d’indéfinissable qui s’est infiltré en lui depuis quelques temps jusqu’à déformer sa bouche, quelque chose qui émane sûrement de son passé et qui s’est renforcé depuis qu’elle a pris sa décision et que la confiance a basculé.

Il le sait, il le sent.

Et c’est vrai qu’elle n’est plus la même depuis ce fameux soir où l’autre avait placé la main contre son cou.

Elle dit :

- Je suis désolée.

Oui, ce soir-là – plus encore que les autres soirs –, elle est désolée de cette douleur qui l’envahit à un point terrifiant et qui se lève en lui comme une tempête. Mais elle ne peut pas donner d’explications détaillées sur ce qui est en train d’arriver pour elle. L’attrait de la nouveauté, ce corps ardent, cet acte qui la vide de toute pensée et la jette sur un lit de sable brûlant… et le silence qui suit.

Cet oubli total à elle-même.

Il s’est retiré dans un coin de la pièce. Il dit d’une voix à peine audible :

- Alors, tout est fini ?

- Je ne sais pas.

Sur la commode, près de la lampe, il y a une photographie d’enfant, un garçon de sept ou huit ans. Juste à côté, un bouquet de fleurs blanches.





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L’envol d’une fidélité !

Texte et encre jouent en symbiose la partition de la séparation, les coins obscurs de l’âme, le vide suspendu de l’indéfinissable !

Le texte, concis, plonge dans les prémisses de la rupture, fait abstraction de lyrisme pour se polariser sur la rigueur du dénuement avec des mots tout simples, proches, intimistes. Epargné en amont des miasmes de la haine, le récit se dresse comme un constat de fatalité où les mots font silence au delta d’un nouveau voyage. Quelque chose de pur affleure comme pudeur sous la douleur de grandir, désir brûlant du désert, curiosité d’étoile inconnue…

Il ne reste plus qu’à la dynamique des choses, qui fait tomber les feuilles d’automne, de s’imposer. Fini le soupçon d’ombre au tableau, la lumière éclate à la croisée des chemins ! A la fenêtre, limpide, glisse la destinée, de ciel noir en ciel blanc, et la corde raide se tend au funambule !

Marie-Lydie Joffre












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